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Han Kang, Prix Nobel de littérature 2024 : retour sur l’œuvre d’une prosatrice exceptionnelle

Quand vient le moment pour l’Académie suédoise de décerner le prix Nobel de littérature, on veut croire à la pertinence, au moins marginale, d’indicateurs comme les paris en ligne. Cette année, la Chinoise Can Xue tenait la corde. Prenant tout le monde à revers, la prestigieuse institution a bien choisi d’honorer une écrivaine extrême-orientale, mais c’est une Sud-Coréenne, Han Kang, qui a remporté le prix Nobel de littérature 2024.
La romancière et poète se voit récompensée « pour sa prose poétique intense qui affronte les traumatismes historiques et expose la fragilité de la vie humaine ». Un choix fort et justifié, rompant avec la logique de bâton de maréchal, qui a souvent vu triompher des auteurs plus vieux et pressentis depuis longtemps pour cet honneur.
Han Kang est la première Sud-Coréenne à remporter ce prix, une anomalie enfin réparée tant la littérature du pays du Matin-Calme propose depuis un bon demi-siècle nombre de chefs-d’œuvre et de grands auteurs traduits dans le monde. Si les noms du poète Ko Un (né en 1933) et du romancier Hwang Sok-yong (1943) revenaient dans la bouche des parieurs ces dernières années, c’est finalement la plus brillante représentante de la génération suivante qui l’emporte.
Née le 27 novembre 1970 à Gwangju, Han Kang appartient au cénacle relativement restreint des quinquagénaires nobélisés en pleine force de l’âge – où l’on retrouve Gabriel Garcia Marquez, Olga Tokarczuk, Mo Yan, Orhan Pamuk ou Herta Müller.
Fille de l’écrivain Han Seung-won, Han Kang, une enfant du sud du pays, ne découvre Séoul qu’à 9 ans. Elle y étudiera la littérature et commencera à travailler pour un magazine tout en publiant, dès le début des années 1990, des poèmes et nouvelles qui attirent l’attention des critiques et les prix littéraires. De cette période, le lecteur français peut lire une nouvelle, datée de 1999 et publiée dans l’excellent recueil collectif Cocktail Sugar et autres nouvelles de Corée (Zulma, 2011, réédité en poche en 2024), Les Chiens au soleil couchant, sa première traduction en français.
Sa manière d’écrire et d’avancer côte à côte avec son personnage principal, une petite fille effrayée par des chiens errants « aussi gros que des veaux », qui se demande pourtant s’ils « n’ont pas envie, eux aussi, de regarder les reflets du crépuscule sur le sable », est exemplaire de la narration poétique, et pourtant presque atone, qui infuse toute son œuvre. Un mélange de force et de peur, de fantômes et de quotidien, une façon très particulière de regarder un monde halluciné qui se dérobe et se retourne contre ses personnages presque toujours féminins, menacés et révoltés.
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